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20 novembre 2013 – 07:43

Tellement ému de tes mots C’. Tu as vécu bien plus difficile que nous, de la mort de tes parents. J’en prends conscience d’autant plus. Paix à leur âme. Suis à l’écoute…

– Je souhaite publier ta lettre de façon anonyme, sur l’onglet « Soutiens » de mon mémorial à Maman. Tu me diras si tu m’en donnes l’autorisation.

Ma démarche est aussi de transmettre à nos semblables, comme une étoile reliant chaque âme blessée. Une communion nécessaire, bienveillant je l’espère.

– J’ai pu me préparer au départ de Maman, comme à sa fin de vie, en tenant notamment à me libérer du temps.

Le fardeau professionnel, tel que je le connais en général, m’aurait volé les derniers instants. Comme la possibilité d’assumer au mieux le deuil, ou d’assurer les nécessités et besoins de circonstance.

Ceci avant de retourner perdre mon temps et énergie pour mille problématiques interchangeables, dans telles ou telles structures pro’.

– L’appétence me quitte oui, elle est affaiblie. Un ralentissement, conjugué au froid, tout ce que je déteste.

Il faut dire que je suis depuis quelques années, à l’inverse, un boulimique de la vie, même si c’est relatif, n’en ayant jamais assez, souhaitant presque me démultiplier à l’infini. On rate tant de choses.

J’ai conjuré le désespoir bien souvent en faisant la fête. Et les années d’enfermement parfois plus jeune, telles que je les ai vécu/ressenti, notamment à l’adolescence, n’y étaient pas pour rien.

Une chance énorme, d’arriver à noyer la déprime dans les joies multiples. Aimant plus que tout la vie, l’énergie du partage, le lâché prise, les rencontres, l’aventure, la communion avec des éléments qui nous dépassent ; ou le repos, les moments simples après la tempête.

Cette fois, ici, la douleur est unique, comme Maman. Et les excentricités ne vont pas calmer ma soif de la revoir. On touche aux liens de sang, à ce qui détermine mon être, ce cordon filial avec ma mère, irremplaçable.

– Je sais dans mon fort intérieur que c’est surmontable, sur la durée. En centre de rééducation fonctionnelle sur Angers, lorsque j’y travaillais, les prothésistes étaient clairs. Tout part de la volonté de revivre, reprendre forme humaine, se détacher du handicap, et accepter les progrès gagnés millimètre par millimètre, avec des rechutes.

Une partie centrale de mon être s’est envolée, comme une amputation. Je dois réapprendre à marcher sans Maman. Avec d’autres piliers de vie. Comme lorsque l’on se détache de la maison, et court les routes, au bout du monde.

– Au delà des contingences, je suis revenu d’Italie sur Paris, principalement, pour m’assurer une proximité plus simple avec Maman, vu le contexte qui s’annonçait de plus en plus inquiétant.

Il m’est désormais uniquement possible de rendre hommage à ma mère, la chérir, en sachant que plus rien ne pourra être fait, de réellement concret. Si ce n’est de part les astres, et le firmament, ce qui nous échappe.

– J’aimerais avoir cet enfant qui nourrit les joies des parents, ainsi dirige l’esprit et toutes les attentions vers l’avenir.

Et j’aurais tellement adoré offrir ce bonheur de plus à Maman, ainsi être à nouveau grand mère. J’ai mal vécu de ne pouvoir lui donner (ainsi être à la source de telle joie, vivre cette magie tous ensemble). D’autant plus en fin d’existence. Elle a heureusement eu cela de mon frère et sa belle fille.

Je reste avec cette frustration pour toujours. Plus le temps passait, et plus je me sentais dans l’urgence, perdant cette assurance là. Il est trop tard.

Ce sera j’espère possible du vivant de Papa. Lire son émotion, la vie apparaissant de nouveau dans la famille.

– Oui, tu as raison, « une souffrance délayée dans la continuité des jours ». Très jolie.

Nous avons réussi à faire jaillir de la joie, déjà, réunis en famille, le soir après l’inhumation, à la maison. Pourtant en plein gouffre les un(e)s les autres, a fortiori. Je voulais d’ailleurs ouvrir ce moment aux ami(e)s également.

Epuisés de trop de douleur, il fut temps de chanter ensemble, réchauffer les coeurs, tous blessés profondément.

Une communion, avec les vibrations musicales, cet indicible mystère, harmonieux, et puis une envolée vers le ciel étoilé.

Rejoignant Papa, prenant l’air, malgré le froid. Tous deux réunis dans une immense tristesse. Sachant bel et bien que désormais, rien y a fait, il est définitivement trop tard.

Comme un dernier coup de canon, assourdissant, faisant trembler les fondations de notre famille, l’existence.

– Oui, Maman et Papa nous ont « voilé » une grosse partie de leur souffrance, durant ces cinq années de supplice et plus (pas toujours, « heureusement » ou non). Cela pour nous protéger, en connaissance de cause.

On était pas « dupes » de l’indicible, et au courant quand même de l’essentiel, au fur et à mesure, via nos échanges (pas tout le nécessaire non, malheureusement).

J’aurais aimé que Maman se confie davantage. Je l’espérais et essayais.

Il reste un vide, en partie, un trou noir, sans langage ni parole, ou très peu. Elle n’en est pas responsable. La maladie ne lui laissait quasiment pas de choix. Et j’ai trop rarement été seul avec elle.

J’ai pu témoigner vers mon oncle de certaines erreurs, d’un certain huis clos, ou silence trop profond, autour, nous détournant, …qui ont conduit, par ricochet (inattendu), à l’inadmissible, contre Papa, puis mon frère et enfin moi, aussi ; ceci au plus mauvais moment.

A partir de fin juillet dernier, j’ai donc eu à bagarrer, me battre pour discerner le vrai du faux, et ainsi défendre Papa comme je pouvais (sans naïveté, personne n’est parfait, et en considérant tout ce qu’il a fait pour Maman), également mon frère.

Tout en essayant de maintenir mon oncle proche de nous, donc rétablir des vérités, et permettre d’y accéder, mutuellement (même si le mal est fait, et que beaucoup de choses ne pourront être réparées).

J’ai en tête depuis ces conflits logiques, mais malvenus, le film Amour d’Haneke, sur cette fin de vie en couple, très bien interprétée, et basculant dans l’horreur (face à une telle souffrance de voir petit à petit l’être cher perdre ses capacités et n’être plus lui même, à jamais).

L’histoire se distinguant radicalement de la réalité de mes parents quant à la réaction du mari ; uniquement similaire par rapport au degré de douleur et l’issue mortelle, quoi qu’il arrive.

Et je rejoints Papa, obligé de se défendre en disant qu’il est resté tous les jours auprès de Maman, alors que beaucoup craquent et produisent des drames, supplémentaires, à ce qui est déjà insupportable à vivre, des années durant.

– J’enchaine sur un aspect connexe. Il compte vraiment de dire des vérités aux enfants. Je suis comme tout le monde, témoin de parts d’ombre, de tricheries avec le réel, d’excès inutiles, certes compréhensibles et humains, mais pour lesquels je peux dire stop.

Comme des mises en cause, y compris sur la maladie de Maman, dans le passé ; ainsi sur la capacité à y être sensible.

Il y avait déjà ces immondes accusations portées, au sein même de notre « clan » familial, bien avant l’explosion de ma belle tante contre nous.

Cela arrive plus souvent que l’on ne croit, d’une famille à l’autre. Et j’ai ainsi eu des témoignages de proches, circonstanciés (passés par là), portant à croire que c’est un phénomène répandu, universel.

De quoi relativiser le degré de nervosité les derniers mois, sans pour autant n’en tirer aucune conséquence.

– De plus, j’ai entendu, tardivement dans ma vie, que Maman avait « déprimé », beaucoup, de la perte de sa mère. C’était implicite, rien d’étonnant ; et au combien touchant, bien sur, déterminant même un certain inconscient collectif, entre nous.

Comme j’ai reçu les mots inverses, encore récemment, à ma grande « surprise » (mauvaise ou pas) ; une pudeur apparemment encore prégnante à exprimer cela.

Je suis convaincu de son traumatisme et souffrance, tel que tu l’exprimes ici très bien, sans qu’il n’y ait besoin de rendre invisible oui, cette peine immense, car légitime.

Et elle fait écho à ma mélancolie, venue de ce contexte, en mon plus jeune âge.

– Je suis donc apaisé de savoir que tu peux écouter et dire. Ce que je devinais et connaissais de toi. Une générosité, particulièrement dans les moments importants, comme une sincérité.

Des vérités à partager, simplement, loin des tabous et fantasmes lourds.

– Oui, tu as raison, Maman m’accompagne, comme elle vit toujours pour mon frère et Papa. Et pour nous toutes et tous, comme tu sais.

Je perçois que de son regard, de la haut, elle me fait prendre tel ou tel chemin parfois. Ou bien me laisse crier ma douleur, en fermant un peu les yeux, et se bouchant les oreilles. ;)

J’ai de la ressource. Maman a perçu finalement de moi la nécessité à aller au bout du mal, selon ; ainsi l’exprimer, sans qu’il ne gonfle de trop vouloir le retenir. La parole est effectivement libératrice, tant qu’on ne l’étouffe pas.

– Je te remercie d’y être sensible, comme de partager ces moments délicats de l’existence (même à distance, le plus souvent). Ils nous rapprochent un peu plus. Tu es une belle personne, et une amie (de toute la famille). Je sais que je peux compter sur toi.

Passez me voir à l’occasion, avec les tiens. Et si tu as besoin de me dire tant de choses, devant un rayon de soleil, ou sous un croissant de lune, n’hésites pas.

Bisous tendres,

Matt

20 novembre 2013 – 00:20

F’T. m’a demandé, grosso modo, les raisons de ce mémorial ; et à quoi ressemblent mes journées sans Maman.

De quoi préciser que c’est une des façons les plus naturelles, ou nécessaires de transcender la disparition de ma mère, et la célébrer.

Pas seulement. Je me suis en amont battu assez tôt pour un hommage prochain, qui lui sera rendu, avec les proches.

Et ne pas parler, il faut en prendre conscience, c’est garder les hurlements à l’intérieur. J’ai de bons retours, d’ailleurs, exprimant ce que je répète, du coup, ici : le besoin, évident, de faire le deuil, ne pas le remettre à demain.

Enfin, mes journées sans elle sont tel un changement de dimension. Le monde n’est plus le même. C’est une mutation physique, comme une amputation. Il est bon de le dire, l’expliquer.

Je ne savais vraiment pas qu’il allait se passer cela, avec la mort. Et pourtant, j’en ai entendu des témoignages. J’avais surtout, malheureusement, déjà perdu des proches.

Je ne devais visiblement pas « penser » cela en miroir, dans ma chair. Cela restait abstrait, à mes sens, jusqu’à maintenant, il me semble.